Rencontre avec une résidente discrète de l’île : l’araignée de Zanzibar
Quand on pense à Zanzibar, ce sont souvent les plages paradisiaques, les ruelles chargées d’épices de Stone Town ou les eaux turquoises bordées de boutres qui viennent à l’esprit. Pourtant, sous les feuilles des cocotiers et les poutres des anciens bâtiments coloniaux, vit une créature bien moins évoquée : l’araignée. Petite ou imposante, discrète ou colorée, l’araignée de Zanzibar intrigue, surprend et, parfois, suscite un brin d’inquiétude chez les voyageurs. J’ai eu l’occasion de l’observer à plusieurs reprises en sillonnant l’archipel, et je vous propose ici de faire un point clair, précis et sans détour sur ce curieux habitant des lieux.
Espèces d’araignées rencontrées à Zanzibar
Zanzibar abrite une diversité impressionnante d’espèces d’araignées. La plupart sont inoffensives pour l’homme, même si leur apparence peut parfois en faire frissonner plus d’un. Voici quelques-unes des espèces les plus courantes que l’on peut croiser sur l’archipel :
- Nephila clavipes – Aussi appelée araignée à soie dorée, elle est l’une des plus impressionnantes visuellement. Jaune, noire, avec des pattes longues et fines, cette espèce tisse d’immenses toiles jaunes visibles à l’œil nu. Elle est non agressive et joue un rôle clé dans le contrôle des insectes.
- Argiope trifasciata – Facilement reconnaissable à son corps rayé noir et argenté, elle construit des toiles en spirale spectaculaires. Son comportement défensif impressionnant peut en dissuader plus d’un, mais elle est totalement inoffensive.
- Heteropoda venatoria – L’araignée chasseuse tropicale. Bien plus active la nuit, cette espèce rapide n’utilise pas de toile pour chasser mais se faufile silencieusement à la recherche de petits insectes.
- Salticidae (araignées sauteuses) – Avec leurs yeux globuleux et leur manière de se déplacer par bonds, ces petites araignées sont souvent plus amusantes qu’effrayantes. On les croise parfois sur les murs des lodges ou entre deux pierres au soleil.
À noter que Zanzibar ne compte pas d’espèces d’araignées mortellement venimeuses pour l’homme. Quelques-unes peuvent mordre en cas de provocation extrême, mais les réactions sont en général bénignes.
Où vivent-elles précisément ?
Ce qui m’a le plus surpris, c’est la variabilité des habitats de ces araignées. On les retrouve :
- Dans les jardins tropicaux des hôtels et maisons d’hôtes, souvent sur les rebords des toits, dans les arbres fruitiers ou entre les feuillages luxuriants.
- En forêt dense, notamment dans les environs du parc de Jozani, où elles jouent un rôle écologique essentiel dans la chaîne alimentaire.
- Dans les zones rurales et agricoles, plus rarement dans les rizières, mais plus fréquemment dans les plantations de girofliers ou de bananiers.
- Et parfois à l’intérieur même des bâtisses, planquées dans un coin de chambre ou derrière une moustiquaire mal tendue.
Si vous avez le sommeil léger, peut-être croiserez-vous le chemin d’une Heteropoda lors d’un lever nocturne. Une rencontre brève, en général, car ces araignées fuient la lumière et le bruit.
Les araignées de Zanzibar sont-elles dangereuses ?
Question récurrente et parfaitement légitime. La réponse courte : non. La majorité des araignées de Zanzibar ne représentent aucun danger pour l’homme. Il faut sortir ici de l’imaginaire collectif où toute araignée est suspecte. En réalité, leur rôle dans l’écosystème est fondamental. Elles régulent activement la population de moustiques (ce qui, entre nous, est bien plus utile que nuisible quand on voyage en Afrique).
Lorsqu’une morsure survient – ce qui est extrêmement rare –, les symptômes se limitent souvent à une légère rougeur ou à une sensation de picotement localisée, qui disparaît en quelques heures ou jours. Pas besoin de se précipiter à l’hôpital, sauf réaction allergique majeure (encore plus rare).
En revanche, il vaut mieux éviter de manipuler une araignée à main nue, notamment les grosses chasseuses, par respect pour la bête… et pour vos nerfs.
Une anecdote en jungle de Jozani
C’est dans la forêt de Jozani, en plein mois de novembre, que j’ai vécu une de mes observations les plus mémorables. J’étais accompagné de Salim, un guide local plein de ressources, qui me montrait les pistes des colobes rouges. En s’arrêtant au bord d’un sentier, il pointa une immense toile suspendue entre deux palmiers.
Au centre trônait une Nephila, majestueuse, en train de réparer méthodiquement sa toile. Ce qui m’a frappé, c’est la luminosité de ses fils, tendus comme des câbles en or sous les rayons du soleil filtré. Salim m’a raconté qu’autrefois, les enfants du village utilisaient ces soies pour fabriquer des petits filets de pêche, tant elles sont résistantes.
Pendant près de 10 minutes, nous sommes restés là, silencieux. Une immersion dans cette routine invisible du monde animal, hors du bruit du tourisme de masse.
Comment éviter les mauvaises surprises ?
Pour les plus sensibles à la phobie des araignées — et il y en a, soyons honnêtes — voici quelques conseils utiles :
- Vérifiez votre chambre avant d’aller au lit : surtout dans les maisons d’hôtes proches de la nature. Faites un tour rapide sous les rideaux, aux coins du plafond et sous le lit. Rien de paranoïaque, juste une précaution de base.
- Gardez vos chaussures à l’intérieur : éviter de trouver un petit colocataire au réveil est toujours agréable.
- Secouez vos vêtements laissés sur le sol : en général, les araignées aiment les endroits sombres et immobiles.
- Utilisez une moustiquaire bien fermée : elle vous protège des moustiques, mais aussi de tout visiteur improbable de passage.
Et surtout, gardez en tête que ces occasions sont rares. À moins de dormir régulièrement dans la brousse ou de camper sans moustiquaire, vous risquez de ne jamais croiser une araignée de près à Zanzibar.
Pourquoi elles sont essentielles à l’écosystème
Dans un archipel où l’humidité est propice à la prolifération de petits insectes — moustiques en tête —, les araignées sont de vraies alliées. Elles contribuent à maintenir un équilibre, en chassant des proies susceptibles de transmettre des maladies (comme le paludisme, bien que celui-ci soit peu courant à Zanzibar).
Les scientifiques s’intéressent aussi à certaines espèces pour leurs soies. La Nephila, par exemple, produit des fils d’une résistance impressionnante, capables d’inspirer des innovations biomécaniques dans l’industrie textile ou médicale.
C’est aussi une chance de pouvoir les observer dans leur habitat naturel, loin des laboratoires. Bien souvent, un simple coup d’œil à une toile suspendue suffit à rétablir un peu de justesse dans notre perception de ces créatures.
Observer les araignées à Zanzibar : ce qu’il faut savoir
Si vous êtes curieux de voir ces résidentes atypiques en action, privilégiez les balades aux premières heures du jour ou à la tombée de la nuit. Emportez avec vous :
- Une lampe frontale pour repérer les reflets des toiles sur la végétation.
- Un bon appareil photo ou un smartphone avec macro pour capturer les détails spectaculaires de certaines espèces.
- Un guide local — souvent, ils connaissent les coins propices et peuvent enrichir votre expérience d’anecdotes ou de croyances populaires autour des araignées.
Certains guides m’ont raconté que, selon les anciens, voir une araignée tisser sa toile sur le seuil d’une maison portait chance. Tradition ou coïncidence ? À chacun d’y voir son propre signe lors d’un séjour sur l’île aux épices.
Un dernier conseil avant votre départ
Voyager, c’est aussi accepter de croiser des visages inconnus – humains ou non. En Afrique comme ailleurs, apprendre à observer avant de juger est souvent la clé d’une aventure réussie. Les araignées de Zanzibar font partie du décor, discrètes mais nécessaires.
Alors la prochaine fois que vous en croisez une entre deux branches ou sur un mur de pierre chauffé par le soleil, prenez quelques secondes. Observez sa patience. Sa persévérance. Sa manière de construire, encore et encore, un abri fragile dans un monde en mouvement. Peut-être y trouverez-vous, vous aussi, un petit écho à votre propre voyage.