Voyage en Abyssinie à travers les plantes : du glaieul d’Abyssinie au bananier d’Abyssinie

La première fois que j’ai entendu parler du glaïeul d’Abyssinie, j’étais à Windhoek, en Namibie, en train de feuilleter un vieux guide botanique trouvé dans une guesthouse poussiéreuse. Quelques mois plus tard, c’est au pied d’un « bananier d’Abyssinie » (qui n’est pas vraiment un bananier, on y reviendra) que j’ai compris à quel point les plantes peuvent raconter l’histoire d’un pays, de ses montagnes, de ses chemins muletiers et de ses villages perchés. Derrière ces noms un peu exotiques, c’est tout un voyage en Abyssinie qui se dessine, fait de parfums, de reliefs abrupts et de rencontres imprévues.

Comprendre l’Abyssinie à travers ses plantes

Quand on parle d’Abyssinie, on évoque l’ancien nom de la région qui correspond aujourd’hui en grande partie au nord de l’Éthiopie. C’est un mot qui sent le café fraîchement moulu, les plateaux d’altitude et les sentiers escarpés. Et ce n’est pas un hasard si plusieurs plantes emblématiques portent encore ce nom dans le langage courant : elles sont intimement liées à ces paysages de montagnes et de falaises qui dominent la Corne de l’Afrique.

Sur le terrain, ce qui surprend d’abord, c’est le contraste. En quelques heures de route, on passe de vallées brûlées par le soleil à des plateaux verts où poussent céréales, fleurs sauvages et plantes ornementales. Les villageois connaissent chaque espèce, savent quelles feuilles infuser, quelles tiges écraser pour calmer une douleur, quelles fleurs vendre à la ville en période de fête.

Voyager en Éthiopie avec un œil de naturaliste – même amateur – change complètement l’expérience. On ne se contente plus de cocher des sites sur une liste. On commence à reconnaître les silhouettes végétales au loin, à deviner l’altitude à laquelle on se trouve rien qu’en observant les fleurs au bord de la piste. Le glaïeul d’Abyssinie et le bananier d’Abyssinie font partie de ces repères visuels et symboliques.

Un voyage qui ne se résume pas aux églises et aux treks

La plupart des voyageurs viennent en Éthiopie pour trois choses : Lalibela et ses églises, le massif du Simien pour le trek, et parfois le Danakil pour son côté extrême. Entre ces grands classiques, les plantes sont souvent reléguées au second plan, alors qu’elles structurent concrètement le voyage : elles indiquent où l’eau est proche, où l’ombre sera possible, où les cultures humaines ont pu s’installer.

Sur les pistes de montagne, je me suis souvent surpris à guetter les zones de végétation plus dense. Quand apparaît un massif de bananiers d’Abyssinie, on sait presque toujours qu’un village n’est pas très loin, ou au moins un petit champ en terrasse. Ce repère visuel devient vite un outil pratique, surtout quand on marche plusieurs heures par jour, parfois sans croiser de route pendant longtemps.

Le glaïeul d’Abyssinie : une fleur délicate dans un décor brutal

Le glaïeul d’Abyssinie (Gladiolus murielae, souvent aussi appelé Acidanthera bicolor) est une plante qui ne paie pas de mine tant qu’elle n’est pas en fleurs. Mais dès qu’elle se met à fleurir, elle devient impossible à ignorer. Des hampes fines, élégantes, surmontées de fleurs blanches délicatement parfumées, avec une tache sombre au centre. Dans les jardins européens, on le cultive comme plante ornementale ; en altitude en Éthiopie, il surgit parfois au bord des champs, comme une touche de fragilité au milieu des paysages rudes.

Où rencontrer le glaïeul d’Abyssinie en voyage

En pratique, si vous voulez observer ce glaïeul dans son environnement naturel, il faut :

  • viser les zones d’altitude modérée, souvent entre 1 800 et 2 500 mètres
  • privilégier la saison des pluies ou la fin de saison des pluies, quand la végétation est au maximum
  • sortir des grands axes routiers et marcher sur les sentiers empruntés par les villageois
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Je l’ai croisé pour la première fois au cours d’une marche entre deux villages du nord, sur un sentier utilisé par les écoliers. À cet endroit, la piste grimpait en lacets entre des murs de pierres sèches. Derrière, les champs en terrasse s’étageaient sur les pentes. Au milieu de cette géométrie minérale, les fleurs blanches semblaient presque déplacées, comme si quelqu’un avait volontairement décoré le chemin.

Ce contraste, c’est ce qui m’a marqué : une fleur qu’on imaginerait mieux dans un jardin entretenu que dans la poussière d’un chemin de montagne, à côté d’un âne chargé de sacs de céréales.

Conseils pratiques pour les voyageurs curieux de botanique

Si vous avez envie de repérer le glaïeul d’Abyssinie pendant votre voyage, quelques conseils très concrets :

  • Demandez aux guides locaux : même s’ils ne connaissent pas le nom scientifique, beaucoup savent reconnaître les plantes qui attirent les voyageurs, surtout près des zones de trek (Simien, Balé, Tigré).
  • Regardez les jardins des maisons : dans certains villages, on plante les bulbes près des entrées, pour le parfum et pour la beauté des fleurs.
  • Transport : si vous pensez ramener des bulbes, renseignez-vous sur la réglementation douanière de votre pays. Entre la théorie et la pratique, il y a parfois un fossé… mais le risque de saisie à l’aéroport est bien réel.
  • Saison : évitez les mois les plus secs si votre objectif principal est la botanique. Entre janvier et mars, dans certaines zones, le paysage se fait très minéral, et beaucoup de plantes sont en repos végétatif.

Le glaïeul d’Abyssinie rappelle que, même en Afrique de l’Est, on peut tomber sur des scènes presque « de carte postale », avec des fleurs fines et des parfums discrets, au milieu d’un environnement parfois éprouvant pour le corps et les nerfs.

Le bananier d’Abyssinie : un géant qui façonne le paysage

Le « bananier d’Abyssinie » (Ensete ventricosum) est une autre histoire. On le confond souvent avec le bananier classique (Musa), mais ce n’est pas le même genre botanique, et ses usages sont très différents. Ensete ventricosum, lui, ne donne pas de bananes comestibles comme celles que vous trouvez au marché. Ses grandes feuilles en éventail, par contre, structurent les paysages et les pratiques agricoles de nombreuses régions d’Éthiopie.

Quand on marche dans les campagnes, surtout dans le sud-ouest du pays mais aussi dans certaines zones de l’ancien cœur de l’Abyssinie, ces grands « faux bananiers » apparaissent souvent en lisière des maisons. Ils servent d’ombre, de coupe-vent, parfois de réserve alimentaire indirecte, car certaines parties de la plante sont consommées après transformation.

Un pilier discret de la vie rurale

Ce qui m’a frappé la première fois que j’ai passé du temps dans un village où l’ensete est cultivé, c’est sa fonction multifonctionnelle. Une seule plante, plusieurs usages :

  • Abri : les grandes feuilles servent de protection contre le soleil et la pluie, notamment pour les animaux ou les zones de travail à l’extérieur.
  • Matériau : les feuilles sont utilisées pour emballer, couvrir, parfois même comme base pour certains toits temporaires.
  • Alimentation : certaines parties internes du pseudo-tronc et du rhizome sont fermentées puis consommées. Le goût n’est pas toujours évident pour un palais habitué aux plats « lisses », mais pour les familles locales, c’est une ressource importante.
  • Symbolique : dans certaines régions, la présence de grands ensete près d’une maison est aussi un signe de stabilité et d’enracinement familial.
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En trek, savoir reconnaître le bananier d’Abyssinie est presque un réflexe de survie. Dans les moments de chaleur écrasante, je l’ai souvent cherché du regard, parce que je savais qu’à son pied, il y aurait un coin d’ombre à négocier avec les enfants du village, parfois contre quelques biscuits ou simplement un peu de conversation.

Repérer le bananier d’Abyssinie sur le terrain

Pour l’identifier rapidement en voyage :

  • Taille : ce sont de grands végétaux, aux allures de bananiers massifs, avec un pseudo-tronc épais.
  • Feuilles : très larges, d’un vert intense, disposées en éventail, souvent un peu déchirées par le vent.
  • Localisation : souvent près des habitations, en lisière de champs, rarement en « pleine nature » isolée.
  • Ambiance : leur présence est quasi systématiquement associée à des zones habitées ou cultivées, ce qui en fait un bon indicateur que l’on approche d’un hameau.

Contrairement au glaïeul d’Abyssinie, qui reste un clin d’œil discret au voyageur attentif, le bananier d’Abyssinie impose sa masse et son volume dans le paysage. Il annonce l’humain, même lorsqu’on ne voit encore aucun toit.

Préparer un voyage en Abyssinie guidé par la botanique

On n’est pas obligé d’être botaniste pour construire un voyage en Afrique autour des plantes, mais il faut accepter une chose : on marchera plus, on s’arrêtera plus souvent, on acceptera de perdre du temps en apparence, alors qu’en réalité on enrichit le voyage.

Choisir les bonnes régions pour observer les plantes emblématiques

Pour un itinéraire centré sur les plantes typiques de l’ancienne Abyssinie, dont le glaïeul et le bananier d’Abyssinie, je conseille de structurer le parcours autour :

  • des hauts plateaux du nord : régions du Tigré et d’Amhara, avec des villages en altitude, des cultures en terrasse et de nombreuses plantes d’altitude, dont certains glaïeuls sauvages ou cultivés
  • des zones agricoles à flanc de montagne : là où les sentiers remplacent les routes et où les jardins de case révèlent une grande diversité de plantes utilitaires et ornementales
  • des régions où l’ensete est présent : même si ce n’est plus l’Abyssinie historique au sens strict, le sud et le sud-ouest permettent de comprendre le rôle du bananier d’Abyssinie dans la vie quotidienne

Les parcs nationaux classiques (Simien, Balé, etc.) valent aussi le détour, mais pour une immersion botanique, je trouve que les zones intermédiaires, moins touristiques, sont parfois plus parlantes. On y voit la plante dans sa fonction, pas seulement comme décor sauvage.

Intégrer plantes et rencontres humaines

Sur le terrain, parler des plantes est souvent une excellente porte d’entrée pour la conversation. Demander le nom local d’une feuille, d’une fleur, déclenche souvent un sourire et une explication gestuelle, même si la barrière de la langue est là.

Quelques approches qui fonctionnent bien :

  • Montrer que vous observez : désigner une plante, demander « nom ? » avec un ton réellement intéressé fonctionne presque partout.
  • Accepter les usages locaux : si un villageois vous montre comment on mâche une tige, on écrase une feuille, on peut goûter en restant prudent (et en évitant les expérimentations excessives en pleine journée de trek).
  • Ne pas prélever sans demander : même une simple fleur peut être importante pour un jardin ou un rituel. Toujours demander avant de couper ou de cueillir.

Les moments les plus forts que j’ai vécus autour des plantes ne sont pas ceux où j’ai reconnu une espèce « rare », mais ceux où un paysan m’a montré comment telle racine entrait dans la préparation d’un plat, ou comment telles feuilles de bananier d’Abyssinie servaient à emballer une nourriture pour un long trajet.

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Infos pratiques pour intégrer cette dimension à votre voyage en Afrique

Si vous préparez un voyage en Afrique de l’Est avec l’envie d’explorer cette ancienne Abyssinie par le prisme des plantes, il est utile de structurer un minimum votre approche, même si vous laissez volontairement de la place à l’imprévu.

Matériel utile pour un voyageur curieux de botanique

Pas besoin de partir avec tout un laboratoire, mais quelques éléments peuvent vraiment changer l’expérience :

  • Un carnet de notes solide : pour noter les noms locaux, les usages, dessiner rapidement les silhouettes de plantes rencontrées. Les photos ne remplacent pas le fait d’écrire.
  • Une appli de reconnaissance de plantes : pas toujours fiable à 100 %, surtout dans des zones moins documentées, mais utile comme point de départ.
  • Un guide papier régional : il en existe quelques-uns sur la flore d’Afrique de l’Est ou de la Corne de l’Afrique. Même si vous ne comprenez pas tout, les planches et photos sont précieuses.
  • Une petite loupe : légère, elle permet d’observer des détails de fleurs ou de feuilles, surtout intéressant pour les passionnés.

Ce n’est pas du matériel indispensable pour survivre, mais pour moi, il fait partie de ce qui transforme un simple voyage en véritable exploration.

Points de vigilance sur place

La botanique, sur le terrain, ne se fait pas dans le vide. Il faut composer avec la réalité : fatigue, altitude, chaleur, parfois tensions politiques locales. Quelques principes simples :

  • Ne pas s’éloigner seul des sentiers dans les zones isolées, même pour suivre une plante intéressante. C’est tentant, mais un faux pas sur un terrain instable peut vite devenir un problème sérieux.
  • Respecter les cultures et territoires : certains espaces végétalisés ont une valeur symbolique ou religieuse. Si un guide local vous dit « pas ici », on écoute.
  • Rester honnête sur sa condition physique : combiner observation minutieuse et longues marches en altitude est plus éprouvant qu’on ne l’imagine depuis son canapé.
  • Anticiper la saison : choisir une période où la végétation est présente, même si ça implique parfois un peu plus de boue et de pluie.

On part souvent avec une vision romantique du « voyage nature », mais sur place, l’effort physique et les petites frustrations font partie du quotidien. C’est aussi ce qui donne du poids aux moments de grâce, quand un massif de glaïeuls d’Abyssinie apparaît au détour d’un sentier, alors que vous pensiez juste à la prochaine gorgée d’eau.

Aller plus loin dans la compréhension de l’Abyssinie

Pour ceux qui veulent ancrer ce voyage botanique dans une compréhension plus globale de la région – histoire, peuples, reliefs, climats – il peut être utile de se plonger dans un panorama plus large avant de partir. J’ai regroupé sur mon blog un dossier complet sur l’Abyssinie, son histoire et les différentes façons de la découvrir, qui permet de replacer ces plantes emblématiques dans leur contexte géographique et humain.

Entre les glaïeuls qui bordent les chemins de montagne, les bananiers d’Abyssinie qui veillent sur les villages, et toutes les autres plantes qu’on apprend peu à peu à reconnaître, le voyage se transforme. On ne traverse plus seulement un pays : on traverse un écosystème vivant, tissé de formes végétales qui racontent la façon dont les humains s’adaptent depuis des siècles à ces reliefs et à ce climat exigeants.